5 décembre 2023

La dématérialisation du DUERP dans l’impasse

Alors que les entreprises d’au moins 150 salariés devaient, dès le 1er juillet dernier (et au 1er juillet 2024 pour les autres), déposer une version dématérialisée de leur DUERP sur un portail numérique, rien n’est en place à ce jour. Interrogé par un sénateur, le ministre du travail reconnaît l’existence de « difficultés liées à la mise en œuvre opérationnelle de ce portail » et « un bilan bénéfice risque négatif ». La mesure doit de nouveau être expertisée.

La loi du 2 août 2021 a introduit une obligation de conserver le DUERP dans ses versions successives pour une durée d’au moins 40 ans (cette exigence est entrée en vigueur au 31 mars 2022). Le DUERP doit être tenu à la disposition des travailleurs, des anciens travailleurs ainsi que de toute personne ou instance pouvant justifier d’un intérêt à y avoir accès.

Il était aussi prévu, à compter du 1er juillet 2023 pour les entreprises d’au moins 150 salariés, et du 1er juillet 2024 pour les autres, une obligation de déposer le DUERP sur un portail numérique administré par un organisme géré par les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel. Un décret du 18 mars 2022 est venu préciser que jusqu’à l’entrée en vigueur de l’obligation de dépôt du DUERP sur ce portail numérique, c’est à l’employeur de conserver les versions successives du document unique au sein de l’entreprise sous la forme d’un document papier ou dématérialisé.

« L’échéance du 1er juillet 2023 largement dépassée »

Alors que la date du 1er juillet est largement dépassée, où en est-on de cette nouvelle obligation et du nouveau portail numérique ? C’est la question qu’a posée le sénateur Les Républicains de l’Ain, Patrick Chaize le 3 août dernier.

Le député constate « que le portail numérique n’est pas opérationnel alors que la première échéance du 1er juillet 2023 est d’ores et déjà dépassée ». Et le parlementaire de s’inquiéter car « cette nouvelle obligation [représente] un enjeu majeur pour les entreprises ». Il demande au ministre du travail, Olivier Dussopt, « l’état d’avancement des travaux portant sur la mise en place de cet outil et (…) les dates désormais fixées pour le dépôt dématérialisé du DUERP et de ses mises à jour ».

« La dématérialisation du DUERP plus compliquée que prévu »

Olivier Dussopt vient d’apporter une réponse, publiée le 30 novembre. Il souligne le fait que « lors des réflexions préliminaires sur la mise en oeuvre du portail, les nombreuses difficultés qu’il faudrait surmonter pour le mettre en place sont vite apparues à l’ensemble des acteurs, en matière notamment de faisabilité technique pour héberger les documents pendant 40 ans, authentifier les accès, ou encore pour assurer la protection du secret des affaires ou définir les conditions de financement et de maintenance de ce portail ».

Le ministre du travail explique alors avoir saisi en décembre 2022 l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) « afin d’expertiser toutes les solutions possibles dans le strict respect des principes fixés par l’ANI de décembre 2020 ».

Or, les résultats des travaux de l’Igas ne sont guère encourageants selon lui. « Les travaux menés par l’Igas, à l’issue d’une large consultation des parties prenantes, confirment les difficultés liées à la mise en oeuvre opérationnelle de ce portail et soulignent également un bilan bénéfice risque négatif ».

Dès lors, explique Olivier Dussopt, « sur la base de ces travaux et en accord avec les partenaires sociaux membres du Comité national de prévention et de santé au travail, le ministère en charge du travail va procéder à de nouvelles concertations afin d’identifier les suites à donner, dans une optique de renforcement de la traçabilité collective des expositions aux risques professionnels au bénéfice de la santé des travailleurs et des anciens travailleurs ».

En attendant, « conformément aux dispositions de l’article R. 4121-5, l’employeur conserve les versions successive du DUERP au sein de l’entreprise sous la forme d’un document papier ou dématérialisé (…) et chaque mise à jour du DUERP doit également être transmise au service de prévention et de santé au travail auquel l’employeur adhère, en vertu du VI de l’article L. 4121-3-1 du code du travail ».


Source : ©Editions Législatives