12 février 2025

L’INRS analyse les malaises mortels au travail

L’INRS a étudié les malaises mortels au travail (période 2021 et 2022) pour mieux les comprendre, analyser leurs causes et identifier des pistes de prévention. Premiers éléments de réponse.

 

Plus de la moitié des accidents mortels au travail sont des malaises sans cause externe identifiée. C’est le cas de 361 accidents sur 645 en 2021 (soit 56%). La proportion était similaire en 2022. C’est pourquoi il est apparu essentiel à l’INRS d’essayer de « mieux les qualifier, les comprendre et identifier leurs causes afin de les prévenir ». L’institut a récemment publié un article (Références en santé au travail n°180, « Malaise mortels au travail : apports de la base EPICEA », Décembre 2024).

L’analyse a été réalisée sous un angle qualitatif en se basant sur les récits d’accidents et recommandations de prévention associées disponibles dans la base de données EPICEA (étude de prévention par l’informatisation des comptes rendus d’accidents).

 

 

Remarque : cette base existe depuis 1988 et elle rassemble plus de 26 000 cas d’accidents du travail. L’INRS précise que « tous les accidents mortels n’y sont pas systématiquement enregistrés ce qui rend difficile une exploitation quantitative, mais le grand nombre de cas répertoriés confère à cette base une représentativité certaine ».

Suite au décret n°2023-452 du 8 juin 2023 qui rend obligatoire la déclaration de tout accident mortel dans les 12 heures à l’inspection du travail, l’enregistrement de ce type d’accident du travail motel est devenu systématique dans la base EPICEA.

Analyse des données

De 2012 à 2022, 143 malaises mortels sont recensés dans la base EPICEA sur 1403 accidents mortels et 2 847 accidents au total. Les auteurs ont analysé ces malaises selon différents critères relatifs à l’entreprise (ex. : activité, taille, etc.), à la victime (emploi, âge, nature du poste, etc.) et à l’accident en lui-même (facteurs d’accident, activité de la victime, etc.).

Remarque : les 150 nouveaux cas reçus en 2023 montrent que l’âge et la profession sont similaires aux résultats sur 2012-2022 et il en est de même pour les préconisations de mesures de prévention.

Même si les auteurs notent qu’il n’est pas possible d’identifier une profession car plusieurs dizaines de métiers sont représentés, il apparaît que les conducteurs de camions et de poids lourds représentent près de 20% des cas. Vient ensuite le secteur du bâtiment (environ 6% des cas). Alors que le tissu économique français est majoritairement composé de TPE et de PME, les auteurs constatent que plus de 90% des victimes travaillent dans des entreprises de moins de 250 salariés. Les victimes sont des hommes dans plus de 90% des cas et l’âge moyen de survenue du décès est de 51 ans.

Sur les circonstances des accidents, la victime est seule au moment du malaise dans plus de 3 cas sur 4. Le malaise survient subitement et le travailleur décède sur son lieu de travail dans plus de 80% des cas.

Les auteurs précisent que la prévention des malaises mortels survenant au travail nécessite de tenir compte de facteurs individuels mais aussi collectifs : « risques professionnels pouvant favoriser les morts subites. » En effet, des expositions à certains risques professionnels sont associées à la survenue de maladies coronariennes :

– des études (listées dans la bibliographie de l’article, en pièce jointe de cette actualité) montrent un lien entre l’exposition aux facteurs de risques psychosociaux et la survenue d’une pathologie coronarienne ;
– sur les postures sédentaires au travail, les études actuelles ne permettent pas de conclure à un impact du comportement sédentaire au travail sur la survenue de pathologies cardiovasculaires. Mais « les travailleurs ayant une position assise prolongée durant leur travail, et présentant une faible activité physique sur leur temps de loisirs pourraient être à haut risque sur le plan cardiovasculaire. Selon l’Anses, la diminution des temps totaux de sédentarité, a fortiori s’ils sont remplacés par des périodes d’activité physique, présente un intérêt majeur en matière de prévention primaire des risques professionnels » ;
– l’effet du travail de nuit sur les maladies coronariennes est considéré comme probable (avis Anses de 2016 notamment) et certaines études tendent à montrer que le risque serait plus important lorsque le travail de nuit est effectué depuis plus de 10 ans (le travail posté, sur plusieurs années, augmenterait aussi le risque de survenue d’une pathologie cardiovasculaire) ;
– les ambiances thermiques ont un effet, avec le cas du coup de chaleur par exemple, mais aussi le froid qui peut favoriser les pathologies cardiovasculaires, en particulier les maladies coronariennes et les AVC.

Mesures de prévention préconisées

Lors de chaque enregistrement d’accident du travail dans la base EPICEA, le contrôleur de sécurité fait une analyse et il peut préconiser des mesures de prévention collectives et/ou individuelles à l’entreprise. Sur la période analysée (2021-2022), il l’a fait dans la moitié des cas.

Les axes d’amélioration des mesures de prévention portent sur :

– l’évaluation des risques professionnels car parfois, « certains risques n’ont pas été évalués ou n’ont pas bénéficié de mesures de prévention suffisantes, par exemple le travail isolé, les contraintes physiques intenses, la chaleur ou les horaires atypiques ». Les auteurs précisent bien que le contrôleur de sécurité n’a pas systématiquement établi un lien de cause à effet entre ces risques mal évalués et la survenue du malaise mortel mais mieux évaluer les risques permettrait « de s’intéresser à l’adéquation entre conditions et charge de travail d’une part, et santé et sécurité des travailleurs d’autre part » ;
– le suivi individuel de l’état de santé des travailleurs (le suivi médical n’étant pas toujours à jour). L’âge moyen des victimes étant de 51 ans, les auteurs insistent sur « l’intérêt de la visite de mi-carrière qui, entre autres, vise à établir un état des lieux entre l’adéquation entre le poste de travail et l’état de santé du travailleur, à date, en tenant compte de l’exposition aux risques professionnels » ;
– l’organisation des secours car, dans plusieurs cas les collègues des victimes n’ont pas su reconnaître la gravité du malaise (ex. : la victime est considérée comme étant en train de dormir alors qu’elle ne respire plus) ou n’ont pas su réagir lorsqu’elle était inanimée (ex. : courir vers une entreprise voisine pour chercher de l’aide au lieu d’appeler les secours par téléphone). Parfois, le contrôleur de sécurité a estimé qu’un sauveteur secouriste du travail aurait dû être présent.

 


Source : ©Editions Législatives